L’Humanité a inscrit depuis toujours et partout la « question sexuelle » en tête de liste de son histoire. Bien avant l’invention de l’écriture il y a 5 000 ans à peine, nos prédécesseurs avaient déjà tracé sur la roche des témoignages de leur angoisse existentielle : les représentations ithyphalliques et vulvaires ne sont-elles pas les plus anciens vestiges de l’Art pariétal préhistorique ? Plus proches de nous, la saga des prophètes et des divinités inventée au Moyen-Orient – qui va bâtir les fondations de la civilisation occidentale – a enrichi le catalogue des mythes et des légendes qui proposent une réponse aux interrogations fondamentales : De qui sommes-nous les descendants ? Qui nous a fait Humains ?
Or, que l’on se convertisse aux thèses créationnistes ou que l’on se rallie aux positions évolutionnistes darwiniennes, la sexualité demeure au centre du débat et plus précisément encore la sexualité de la Femme, porteuse de la vie à naître et messagère d’un au-delà énigmatique. Autrement dit, la maternité est à l’origine de l’humanisme, ou du moins de ses bases biologiques : impossible dès lors de ne voir dans l’accouchement que l’épilogue de neuf mois de grossesse, un « heureux évènement » médicalement assisté : la naissance est à la sexualité ce que la prière est à la foi, la voie de passage du trivial au spirituel, du profane au sacré… Sans cette vision certes emphatique de la maternité sur quels arguments symboliques pourrions-nous établir la Déclaration des Droits de l’Homme et l’obligation de respect de la Personne, croire à un Morale Universelle, même bafouée au quotidien ?
Concrètement néanmoins, durant des millénaires, la femme enceinte a surtout fait l’objet d’une vigilance disons clinique, face aux menaces effroyables de la mortalité périnatale. Les rituels d’exorcisme et de filiation n’engageant jamais la future mère à faire valoir ses états d’âme. Ce n’est que tout récemment qu’émerge de ces traditions sécuritaires un nouveau courant de pensée ouvrant droit à s’affirmer aussi comme femme désirante. La sexualité érogène occupe alors le devant de la scène au point d’effacer la dimension initiatique de la maternité. Finalement une rivalité s’installe entre le vécu subjectif de la grossesse et les attentes du couple en termes de performances érotiques : c’est cette concurrence qui interpelle aujourd’hui les soignants, contraints de répondre à une problématique qui reste tout de même tabou, gratifiés d’un droit d’ingérence dans la vie privée des ménages qui ne va pas de soi, le couple « moderne » ne voulant plus sacrifier sa sexualité au profit de l’attendrissement du désir d’enfant et de l’effervescence émotionnelle de la femme enceinte.