Il était une fois la sexologie

Actualités, Histoire

Photo de William Masters et Jacques Waynberg à la Fondation à St Louis (Missouri) – 1974

Le mercredi 8 mars 2023 de 9h30 à 17h00, à Mennecy, est organisée une rencontre pour les Journées départementales du CDCESS (Comité Départemental de Coordination des actions d’Éducations à la Santé et à la Sexualité) avec comme thématique « l’histoire de la sexologie ». Pour vous inscrire à cette conférence, vous pouvez télécharger le bulletin d’inscription.


L’histoire de la sexologie est peu connue ; racontée par l’un de ses protagonistes est encore plus inhabituel. Jacques Waynberg en propose le panégyrique en trois épisodes successifs.


Le plus vieux métier du monde

L’acte de naissance de la Sexologie est d’obédience anthropologique : il s’agit d’interroger la préhistoire de l’humanité, aussi fractionnée soit-elle, pour composer une fable existentielle de la vie privée de nos ancêtres. Certes, au fil des générations, leurs aptitudes comportementales et cognitives leur ont permis de s’adapter aux bouleversements climatiques, aux défis alimentaires… mais également aux périls de la fécondité. A cet égard, la reconstitution de mieux en mieux documentée de la vie quotidienne des néanderthaliens par exemple, au surlendemain de la domestication du feu il y a 400 000 ans, laisse entrevoir déjà une trame d’organisation sociale qui ne peut pas ne pas avoir codifié la question cruciale de l’organisation primordiale de la sexualité, de la parenté, de la conjugalité. Un code de la famille a vraisemblablement été débattu, notamment un peu plus tard par homo sapiens qui, à coup sûr, l’a étayé d’arguments symboliques de nature à clarifier et gouverner le langage des corps amoureux… Ces premiers initiés ont donc érigé un corpus de pratiques et de savoir qui a fondé une Sexologie fossile, qui mérite d’être découverte.

1913-2013 : cent ans de turbulence et de déception

En Europe, une longue période d’incubation sociétale, s’étendant sur 1,4 millions d’années, est certes ponctuée d’innombrables options évolutionnistes, génétiques, politiques, mais n’accouche que tout récemment d’une révision drastique de sa doctrine sexuelle. Deux avancées majeures l’ont métamorphosée, l’agonie des monarchies et l’essor des sciences de la vie. Les préambules de ce cheminement prennent racine dans l’embrasement révolutionnaire du XIX° siècle, pour fonder en Allemagne la toute première collectivité savante en matière de sexualité. L’élan émérite de cet « âge d’or » de la Sexualwissenschaft est brisé violemment le 10 mai 1933. L’analyse de cet effondrement va permettre d’exposer le rôle déterminant de la contribution juive à l’éveil d’une sexologie made in USA, dix ans plus tard. L’héritage sera néanmoins amputé de son patrimoine culturel, au profit d’une poursuite obstinée de ses tergiversations « curatives » en matière de satiété coïtale. C’est ainsi que les travaux princeps d’A.C. Kinsey et de W.H. Masters vont prôner la prodigalité d’organes génitaux qui n’ont de « sexuel » que le surnom. Rapatrier cet engouement en Europe fut une erreur. Une Sexologie clinique focalisée sur les fonctions « honteuses » du pelvis engage une vue sommaire et vulgaire de la sexualité humaine. Cette conception démodée est lestée de surcroît du poids accablant de ses échecs : les performances « thérapeutiques » revendiquées sont aléatoires et vulnérables.

L’érotisme à l’horizon de la sexualité

Désormais, face à ces tribulations de débutants doit s’ériger une démarche à contre-courant qui replace l’humain au centre de ses concepts et de ses actions. Retour aux fondamentaux. L’indiscipline des organes importe-t-elle plus que le mal être soi auquel elle s’adosse ? La frugalité du désir génital est-elle plus préjudiciable au fil du temps que le sabotage des sentiments ? Finalement, le bonheur intime n’est-il pas un état de grâce constamment en sursis, à la merci d’une pénibilité professionnelle, d’un statut social défavorable, de maltraitances ?… Dès lors, l’étude de la fonction érotique s’appuie sur une nouvelle unité de mesure : l’étalonnage de l’émotivité. La Sexologie humaniste succède ainsi à l’emprise des revendications médicales hégémoniques en questionnant la totalité vécue d’une personne, ses réseaux de valeurs et ses talents, l’ancrage de ses croyances et de son éducation, ses secrets et ses tabous… au prisme des émotions qu’ils engendrent. L’éclat de rire, le sanglot…l’orgasme, sont des émotions, qui ne se distinguent entre elles qu’à l’aune des réflexes conditionnés qui les déclenchent. L’avenir d’une troisième vague de rationalisation de la sexologie est donc à bâtir, au chevet d’un humanisme universel, dénué si possible d’utopies et de préjugés.

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